וַיְשַׁלַּח מֹשֶׁה, אֶת-חֹתְנוֹ; וַיֵּלֶךְ לוֹ, אֶל-אַרְצוֹ
« Moïse reconduisit son beau-père, qui s’en retourna dans son pays. » Le peintre néerlandais Jan Victors (1619-1676) est un élève du célèbre Rembrandt. Il est connu pour ses peintures de portraits, de scènes bibliques et scènes de genre. Ce tableau intitulé « Les adieux de Moïse à Jethro » se trouve actuellement à Budapest. On sait le talent technique des flamands du siècle d’or, leurs jeux de lumière entre le clair et l’obscur, et le réalisme de leurs œuvres. Mais on est toujours confondu par leur immense travail de documentation et les messages symboliques qu’ils transmettent par leurs compositions.
Ici, nous sommes en face d’un tableau construit en double triangle. A gauche, la montagne cachée par un voile (la toile de tente) pour signifier la divinité source de la Loi. Puis le prophète debout levant son doigt en l’air, serrant la main de son beau-père assis qui prend congé dans une attitude paradoxale de l’ancien qui apprend du plus jeune. Sur la table qui les sépare, un quartier de viande avec un couteau : relief d’un repas pris en commun, ou enseignement pratique de la Torah (la cacherout dans ses moindres détails). La main gauche de Jethro dirige le regard vers le second triangle : trois enfants autour d’un fruit, dans cette attitude de découverte, d’observation et de joie que doit être le rapport des hommes à la création et à la Loi. Une manière de signifier la transmission de la Torah vers la prochaine génération, fruit de l’union entre un hébreu de culture égyptienne et la fille d’un prêtre madianite. Enfin, le regard de la femme assise au pied nu qu’on devine être Tsipora, fille de l’un et épouse de l’autre, qui interpelle l’observateur de son regard doux : « et vous ? ».
« […] il faut attendre Jéthro, le beau-père de Moïse, pour rencontrer un personnage qui reconnaît le Dieu d’Israël (Exode 18, 11) comme le vrai Dieu, Celui dont il a découvert le Nom et accepté tous les commandements, après avoir constaté Sa présence active au moment de la sortie d’Egypte (v. 10). C’est le nom de cet étranger, prêtre de Madian, venu de son plein gré servir le Dieu d’Israël, grâce à une quête personnelle de vérité mais aussi grâce à la perception de la présence miraculeuse de ce Dieu dans l’histoire, qui est d’ailleurs donné au passage qui rapporte le don de la Torah au mont Sinaï, et non celui de Moïse. Les paroles proférées alors, en ce moment de révélation, par le Dieu qui a libéré les Hébreux d’Egypte sont en effet offertes à tous les êtres humains. Il arrive que certains se laissent convertir par elles et désirent leur répondre. » Catherine Chalier, Le désir de conversion, Seuil, Paris, 2011, pp 55-56.