'Esther_and_Mordecai'_by_Ferdinand_Bol,_1654,_The_Hermitage

Pourim Sameah

Le peintre hollandais Ferdinand Bol (1616-1680), élève de Rembrandt, nous offre une très belle interprétation de la conversation entre Mordekhaï et la reine Esther. Nous sommes au quatrième chapitre de la méguilah, la tension dramatique augmente régulièrement, Mordekhaï avertit Esther du danger qu’encourent les juifs et lui demande d’intervenir.
Tous les lecteurs fidèles connaissent la suite : après avoir rappelé la règle interdisant de s’adresser au roi sans y être invité sous peine de condamnation à mort, elle accepte finalement de prendre le risque en demandant à tous les juifs de jeûner pendant trois jours pour le succès de son entreprise. C’est le point de bascule du récit et du personnage : elle passe de la passivité à l’action, et prend toutes les initiatives qui vont mener au dénouement heureux de l’histoire.
C’est le bouleversement intérieur d’Esther que le peintre choisit de représenter. Le regard dans le vague, les paroles passionnées de Mordekhaï ne l’atteignant déjà plus, elle est en passe de prendre les résolutions que lui imposent la situation.
Pourquoi ne regarde-t-elle pas vers son interlocuteur ? Probablement parce que la conversation n’a pas eu lieu « en présentiel » mais par l’intermédiaire d’un émissaire : Hatakh, le fidèle eunuque, seul habilité à circuler entre l’intérieur et l’extérieur du palais. Sa présence discrète est peut-être suggérée par l’espace sombre entre les deux personnages.
Ainsi, l’artiste fait d’Esther l’archétype de ceux qui discutent avec des absents. Que l’on ait pour habitude de communiquer à distance, ou que l’on soit de ceux qui ont de longues conversations avec des personnes disparues, nous pouvons tous nous identifier à cette femme au regard dans le vague, en plein dialogue intérieur.
Dans les périodes de crise et d’angoisse, nous pouvons aussi prendre exemple sur son courage, sa résolution et sa détermination à se présenter debout face au « Roi ». Que ce soit pour le supplier ou lui reprocher ses injustices, lui rendre hommage ou critiquer son absence, nous avons besoin de tout le culot d’Esther pour nous adresser -sans invitation- au grand responsable, et exiger en « présent-ciel » la fin de nos malheurs et l’anéantissement de nos ennemis.
Pourim saméah et chabbat chalom !

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