Au début des années 2000, les violences conjugales étaient principalement assimilées à des violences physiques graves. Recevoir une claque ou se faire plaquer au mur ne justifiait pas de porter plainte. La législation sur la répression des maltraitances psychologiques au sein du couple était quasi inexistante, d’autant plus que ces maltraitances se produisaient dans l’espace privé. De plus, les conjoints violents entretenaient soigneusement leur bonne réputation à l’extérieur du domicile. La première étude sociologique sur les violences conjugales en France a été réalisée en 2000 par l’INED*(enquête ENVEFF**). Un des enseignements de cette enquête a été de mettre en évidence l’ampleur du silence et l’occultation des violences par les femmes qui les subissent.
Comment identifier les violences conjugales et les différencier des conflits générés par la vie de couple ?
Tous les couples traversent des périodes de conflits où les désaccords entraînent des discussions où le ton et la tension montent. Ces périodes sont éprouvantes mais si chacun peut exprimer sans crainte son opinion, ses arguments et son ressenti, si chacun est écouté par l’autre avec respect, ces discussions aboutissent à des choix et des décisions concertés, qui ont parfois nécessité de la part de chacun beaucoup d’efforts, de temps et une volonté sincère de ne rien imposer à l’autre.
Les violences conjugales psychologiques commencent dès qu’un conjoint manque de respect à l’autre. L’agressivité n’est pas canalisée, les discussions dégénèrent sans permettre un vrai dialogue. La relation devient un rapport de force, dans lequel il n’y a pas de prise en considération du point de vue de l’autre. Les mots dérapent et les reproches pleuvent, c’est alors fréquemment l’apparition de la culpabilité inversée. « Si je t’ai dit des mots blessants, c’est parce que tu m’as provoqué ! ». «Tu ne comprends jamais rien, ça me met en colère ! ».
Contrairement aux violences physiques, les personnes qui subissent des violences conjugales psychologiques peuvent mettre beaucoup de temps à se rendre compte qu’elles sont victimes de maltraitance. Elles pensent qu’elles méritent les reproches qui leur sont faits. Elles se sentent démunies et n’osent pas en parler. Elles trouvent des excuses aux comportements irrespectueux. « S’il me parle mal, c’est parce que je l’ai énervé… ». Elles finissent par ne plus réagir à des propos dévalorisants ou humiliants : « Tu n’as rien dans la tête ! ». « Tu es nulle ».
Les violences conjugales psychologiques sont très rarement passagères. Elles s’installent avec la crainte grandissante d’oser exprimer son désarroi et la souffrance d’être la cible régulière de critiques dévalorisantes, de dénigrement et de manque de reconnaissance pour tous les efforts faits unilatéralement afin que la situation s’améliore.
Les violences conjugales empêchent les enfants de bénéficier d’un environnement affectif sécurisant, leur impose un modèle parental où un adulte ne respecte pas l’autre. Ils en souffrent et en subissent souvent les conséquences : angoisses, difficultés scolaires, vision stéréotypée des rôles masculins et féminins, agressivité ou repli sur soi….40 % des hommes qui agressent leur conjoint ont grandi dans le climat de violences conjugales de leurs parents.
Pour ne plus vivre dans la honte et la peur, il faut commencer par en parler à une personne de confiance, à un soignant ou à une association. Les thérapies de couple et les médiations conjugales ouvrent des possibilités de sortir de cette impasse. Encore faut-il que le conjoint agressif accepte de s’y engager, c’est pourquoi il est déterminant de réagir dès les premiers signes de manque de respect.
NOA oser le dire est une ligne nationale gratuite d’écoute et d’orientation pour les victimes de violences conjugales qui permet de trouver une aide locale en toute confidentialité, en Ile de France, mais aussi à Marseille, Lyon, Nice, Strasbourg et Bordeaux et leurs environs. La ligne d’écoute est ouverte aux proches, à ceux qui connaissent une victime de violences dans leur entourage, pour les renseigner sur les dispositifs existants. Cette ligne a aussi été créée pour les hommes victimes de violences conjugales.
Nous sommes tous concernés par la solidarité envers des personnes en souffrance.
Le rabbin David Touboul est correspondant pour la Côte d’Azur de NOA OSER LE DIRE !
*Institut National d’Etudes Démographiques
**Enquête Nationale sur les Violences envers les Femmes en France